L’ennui est de retour (et c’est une bonne nouvelle)
par Solène Marchal - Longtemps, l’ennui a été perçu comme un problème à résoudre.

Longtemps, l’ennui a été perçu comme un problème à résoudre.
Un vide à combler, une faiblesse de l’esprit, un symptôme du manque d’intérêt ou d’ambition.
Mais aujourd’hui, à l’ère du flux permanent — vidéos courtes, scroll infini, messages en rafale — quelque chose d’étrange se passe.
L’ennui revient. Et ceux qui l’embrassent ne sont pas fous. Ils sont en avance.
Trop de tout, tout le temps
Le numérique a réussi un tour de force : il a éradiqué l’instant creux.
Dans la file d’attente, dans les toilettes, avant de dormir, pendant qu’on mange… notre attention est captée. Occupée. Distraitement remplie.
Mais à force d’être stimulé à chaque seconde, le cerveau sature. Il n’a plus le temps de vagabonder. Plus d’espace pour rêver, pour laisser remonter des idées, des souvenirs, des désirs profonds.
On commence alors à ressentir un manque de vide.
Et c’est là que l’ennui, doucement, refait surface.
Redécouvrir l’ennui
Dans de nombreux cercles créatifs, éducatifs ou même thérapeutiques, l’ennui est en train d’être réhabilité.
Car il n’est pas un défaut. Il est un espace fertile.
Un moment où le mental, libéré des sollicitations extérieures, commence à produire quelque chose de plus personnel.
De plus organique.
L’ennui précède souvent l’inspiration.
Il est le terreau de la créativité, de l’introspection, de la lenteur nécessaire à tout vrai changement.
Certains instituts en Europe ont même réintroduit des plages d’ennui contrôlé dans les écoles : dix minutes de silence, sans activité, sans écran, juste pour “laisser l’esprit respirer”.
L’ennui comme luxe contemporain
Dans un monde qui valorise l’agitation, l’hyperconnexion et la productivité à tout prix, s’ennuyer est devenu un acte de résistance.
Ne rien faire devient rare.
Être seul avec soi-même, sans distraction, devient précieux.
Accepter l’ennui, c’est refuser de se remplir à tout prix.
C’est aussi, parfois, accueillir le manque, la lenteur, l’attente.
Et dans cette attente, quelque chose bouge : un souvenir, une envie, un projet.
Comment retrouver l’ennui (sans culpabiliser)
Voici quelques pistes simples pour réapprivoiser ce compagnon oublié :
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Coupez les notifications pendant une heure. Entièrement.
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Marchez sans but ni podcast. Juste les bruits du monde.
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Restez dans une pièce sans rien faire pendant dix minutes. Regardez la lumière bouger. Respirez.
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Interdisez-vous de scroller dans les moments d’attente. Laissez votre esprit s’égarer.
Au début, cela peut sembler inconfortable, inutile, vide.
Mais ce vide est exactement ce dont nous avons besoin.
En conclusion : faire place
Nous n’avons pas besoin de plus de contenu.
Nous avons besoin de place.
Et cette place, l’ennui peut nous l’offrir.
Il nous libère des urgences, des illusions d’occupation.
Il nous rend à nous-mêmes.
Alors la prochaine fois que vous vous ennuyez, ne vous précipitez pas pour l’éviter.
Saluez-le. Invitez-le. Asseyez-vous avec lui.
Il a peut-être quelque chose à vous dire que personne d’autre n’a pensé à murmurer.