Des fakes, partout

Comment on s’est habitués à faire semblant, et pourquoi ça tue quelque chose de vrai.

Des fakes, partout

Ils sont partout.

Faux sourires.
Fausses nouvelles.
Faux abonnés.
Faux amis.
Nourriture trafiquée.
Empathie simulée.
Productivité de façade.
Succès surjoué.

Le monde est devenu une scène de l’authenticité fabriquée, et le plus triste dans tout ça ?
On le sait — et on applaudit quand même.


On a normalisé la mise en scène

Soyons lucides : l’authenticité ne rapporte rien.

Tu ne monétises pas le doute.
Tu ne fais pas de buzz avec la nuance.
Tu ne gagnes pas de clics en étant hésitant, vulnérable ou — pire — honnête.

Alors on ment.
Pas avec méchanceté. Avec efficacité.

On retouche, on filtre, on enjolive.
On dit ce qui plaît.
On montre ce qui flatte.
On enfile la sincérité comme un costume bien taillé — impeccable à l’extérieur, vide à l’intérieur.

Et quand tout le monde joue un rôle, dénoncer les faux devient épuisant.
Parce que l’alternative ?
Le silence ? L’oubli ? L’authenticité brute ?

Non merci.


Les réseaux sociaux sont un théâtre sans coulisses

Internet devait nous rapprocher.
Il nous a offert des miroirs avec filtres.

Instagram n’est pas réel.
LinkedIn, c’est du culte de soi bien emballé.
TikTok, c’est le chaos sous stéroïdes créatifs.
X (anciennement Twitter), c’est une arène de cris avec des émojis.

On a créé des versions de nous-mêmes qui sourient plus fort, réussissent plus vite, guérissent instantanément.

Et pendant ce temps, les vraies personnes — bancales, en contradiction, vulnérables — s’isolent et se demandent pourquoi elles ne sont pas à la hauteur.

Mais comment être à la hauteur d’un mensonge ?


La fausseté n’est pas toujours malveillante — parfois c’est de la survie

Soyons justes.

Tous ceux qui font semblant ne le font pas par malveillance.

Certains le font par peur.
D’autres parce qu’on leur a appris à se taire.
D’autres encore parce qu’ils ont compris que la vérité met les gens mal à l’aise.

Alors on fait semblant d’aller bien.
On dit “tout roule.”
On poste des photos de vacances alors qu’on s’effondre à l’intérieur.

Parce que la vulnérabilité, c’est dangereux.
Et le risque, ça se paie.

Alors on se masque.
On sourit.
On dit ce qu’on attend de nous.

Faire semblant, ce n’est pas toujours de la fraude.
C’est souvent un mécanisme de défense.


Même les émotions sont devenues du spectacle

Tu as déjà vu quelqu’un pleurer… et ouvrir sa caméra juste après ?

On met en scène le chagrin.
On sous-titre le cœur brisé.
On marque notre trauma.

Nos tragédies passent par les filtres.
Nos excuses sont écrites par des agences.
Notre colère est bruyante — et sponsorisée.

On ne ressent plus en public.
On met en scène des sentiments.

Même la gentillesse a désormais une valeur marketing.


Comment reconnaître ce qui est vrai ?

Tu ne peux pas. Pas tout de suite.

Mais un indice :
Le vrai est étrange.

C’est maladroit.
C’est lent.
Ça ne cherche pas à plaire.

Le vrai prend son temps.
Il se contredit.
Il est vulnérable, incohérent, imparfait — comme les humains, en somme.

Tu sais à quoi le vrai ressemble ?

“Je ne sais pas.”
“Je suis fatigué.”
“Je me suis trompé.”
“Je fais de mon mieux.”

Pas de punchline.
Pas d’appel à l’action.
Juste la vérité.

Et aujourd’hui, ça semble presque révolutionnaire.


Alors, on fait quoi ?

On abandonne ?

Non.

Mais il faut regarder autrement.

Il faut commencer à se poser des questions :
Pourquoi je publie ça ?
Pour qui est-ce que je joue ?
Est-ce que c’est moi — ou juste une version de moi que je crois plus aimable ?

Il faut recommencer à valoriser l’honnêteté.
À écouter ceux qui murmurent, pas seulement ceux qui crient.
À choisir ceux qui se montrent sans maquillage émotionnel.

Parce que le vrai existe encore.

Il est juste étouffé par le bruit.


Les faux sont partout.
Mais le vrai — discrètement, doucement, obstinément — attend encore d’être vu.

Et peut-être que, juste peut-être,
ça commence par toi.