L’argent : la plus belle illusion de l’humanité
À l’origine, on troquait. Deux sacs de blé contre une cruche de vin, une chèvre contre trois poules. Ça avait un côté rustique, poétique — et puis quelqu’un, probablement vêtu d'une toge un peu trop propre, a dit : « Et si on créait un système ? »

Ah, les systèmes…
On sait comment ça commence : gain de temps, praticité, rationalité.
Et comment ça finit ?
Par des files au guichet automatique et des vies entières à courir après des zéros invisibles.
L’argent n’a pas changé le monde. Il est devenu le monde.
Il n’est plus un outil. Il est devenu une religion, une langue, une mesure de la dignité humaine.
On ne demande plus qui êtes-vous ?, mais que faites-vous dans la vie ?
Et par là, on entend : combien gagnez-vous pour que je sache à quel point je dois vous prendre au sérieux.
Et ça marche.
Plus vous gagnez, plus on vous écoute. Même si vous vendez des pilules de bonheur sur TikTok ou que vous exploitez un bout de forêt tropicale au nom du progrès.
L’argent ne juge pas. Il s’accumule. Et nous, on admire.
La finance : le culte aux tableurs
Si l’argent est un outil, la finance, elle, c’est de la magie noire avec des PowerPoint.
C’est l’art de faire de l’argent à partir de rien, puis de facturer le monde pour cette prouesse.
C’est un trader à Wall Street qui appuie sur un bouton et fait s’évaporer votre épargne-retraite avant votre première gorgée de café.
La finance parle aux gouvernements. Elle finance les campagnes électorales, les gratte-ciel, les crises. Et quand tout s’écroule ? Elle pointe du doigt « les consommateurs irresponsables ».
Tu voulais une maison ? La finance dit : bonne chance.
Tu voulais épargner ? Elle te répond : seulement si t’as investi dans les bitcoins en 2013.
Tu voulais juste un peu de tranquillité ? Elle a déjà racheté ton quartier et doublé ton loyer.
La psychologie de l’argent
On a mis tellement de sens dans l’argent qu’il gouverne nos choix — tous nos choix.
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On choisit une carrière en fonction du salaire, pas de la passion.
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On sélectionne nos partenaires en fonction de leur « stabilité » (traduction : revenus mensuels).
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On vote pour celui ou celle qui promet les meilleures déductions fiscales.
L’argent ne nous influence plus : il nous reprogramme.
Il transforme les amitiés en réseaux.
Les humains en marques.
Et la vie en tableau Excel.
Et le pire ? On trouve ça normal.
On s’émerveille devant les milliardaires qui envoient des fusées dans l’espace, pendant que les infirmières font des heures sup pour payer l’épicerie.
À quoi ressemble-t-on, maintenant ?
Autrefois, on valorisait la sagesse, le courage, la générosité.
Aujourd’hui, on valorise les dividendes.
On vit dans une économie qui récompense l’extraction plus que la création, la spéculation plus que la contribution, et la thésaurisation plus que le partage.
Oui, l’argent a permis de bâtir des hôpitaux, de financer des écoles, de produire de l’art.
Mais il a aussi financé des guerres, détruit des écosystèmes, et mis des milliards de gens en compétition perpétuelle pour survivre.
L’argent n’est pas le mal.
Mais notre obsession ? Elle l’est peut-être.
Alors, que faire ?
Pas besoin d’abolir l’argent (on a essayé — c’est souvent sanglant).
Mais peut-être qu’on pourrait lui rendre sa place.
Peut-être qu’on pourrait désacraliser son pouvoir, et redéfinir ce que signifie être “riche”.
Peut-être qu’il est temps de se poser des questions simples :
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Qu’est-ce qu’assez ?
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Qu’est-ce qui a vraiment de la valeur ?
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Et si le vrai luxe, c’était d’avoir du temps, de la santé, et un peu de paix intérieure ?
Parce que si l’on continue à tout mesurer en euros, en dollars ou en cryptomonnaie, on finira pauvres.
Pas financièrement, non.
Pauvres en ce qui compte vraiment.
Si l’argent est notre dieu moderne,
peut-être est-il temps de lui demander :
Que veut-il de nous, exactement ?
Et surtout : à qui profite notre foi aveugle ?