Le paradoxe de la productivité
Pourquoi j'ai l'impression de ne jamais rien faire alors que je suis épuisé.

Je ne sais pas exactement quand c’est arrivé. Peut-être le jour où j’ai installé une application pour suivre le nombre de pas que je fais par jour. Peut-être le jour où j’ai lu que boire huit verres d’eau c’était vital, ou encore celui où j’ai découvert que je devrais me lever à 5h du matin, méditer, lire un livre sur la croissance personnelle, manger des graines de chia, répondre à mes courriels, faire du sport, apprendre une langue et surtout, surtout… « rester motivé ».
Oui. Motivé.
Je suis en burnout de la productivité. Et je suis à peu près sûr que je ne suis pas le seul.
Bienvenue dans l’ère du fais quelque chose sinon tu meurs. Une époque où ton café doit être bio, ton sommeil optimisé, ta carrière alignée avec tes valeurs, ton couple épanoui, ton compte Instagram inspirant et ton frigo digne d’un nutritionniste minimaliste scandinave.
Je suis fatigué. Et pourtant, j’ai l’impression de n’avoir rien fait de ma journée. Le pire, c’est que j’ai fait beaucoup. J’ai répondu à trente-deux messages, pris trois réunions, envoyé six courriels importants, lu deux articles pour rester « à jour », évité les réseaux sociaux pendant 17 minutes d’affilée (nouveau record), et j’ai même cuisiné moi-même un bol de quinoa aux légumes rôtis. C’était fade. Comme mon enthousiasme.
Alors pourquoi ce sentiment d’inachevé ? Pourquoi cette voix intérieure qui chuchote « ce n’est pas assez » ? C’est peut-être parce que tout, absolument tout, est devenu une course. Même les choses censées nous détendre : lire, marcher, jardiner… deviennent des « pratiques », avec des objectifs, des applis, des « hacks ».
On ne marche plus. On atteint des objectifs de pas.
On ne lit plus. On fait du « deep reading ».
On ne dort plus. On fait du « sommeil polyphasique optimisé ».
Et si on arrêtait ? Juste un instant.
Et si je te disais qu’un jour, j’ai passé deux heures à ne rien faire. Rien. Ni musique. Ni téléphone. Ni livre. Juste moi, un vieux fauteuil et une fenêtre.
Tu sais quoi ? Je ne suis pas mort.
En fait, je crois même que c’est ce moment-là que mon cerveau a préféré cette semaine. Et pour être honnête, c’est peut-être la chose la plus productive que j’aie faite depuis longtemps.
Alors voilà. Si tu te sens épuisé, dépassé, pris au piège entre tes to-do lists, ton agenda coloré et ta volonté de « t’améliorer chaque jour »… Respire. Peut-être que t’as pas besoin d’être meilleur. Peut-être que t’as juste besoin d’être là.
Sans optimiser.
Sans prouver.
Sans performer.
Juste être.
Et si on faisait une révolution ? Rien de violent. Juste une bande de gens ordinaires qui déclarent : « aujourd’hui, j’ai rien fait. Et j’en suis fier. »
Ça serait pas beau, ça ?