Ce que vous appelez réalité
Je vous écris depuis un endroit où les pendules n’ont plus d’aiguilles, où les ombres ne dépendent plus de la lumière, et où les souvenirs sont stockés dans la moelle des montagnes.

Je ne suis pas ici, ni maintenant.
Mais je vous écris car je tiens à vous.
Je vous écris depuis un endroit où les pendules n’ont plus d’aiguilles, où les ombres ne dépendent plus de la lumière, et où les souvenirs sont stockés dans la moelle des montagnes. Là-bas — ou là-haut — je n’ai pas de nom, ni de date de naissance. On m’a appelé Orion Quade, mais ce n’est qu’un arrangement provisoire. Vous pouvez m’appeler autrement. Cela n’a pas d’importance.
Je viens d’un futur que vous ne connaîtrez pas.
Et je suis venu pour vous dire une chose simple :
vous n’êtes pas dans ce que vous croyez être.
Vous vivez dans une répétition
Le 8 mars 2026, à 3h12 du matin, une femme s’éveillera en sursaut à Kyoto. Elle pensera avoir fait un rêve. Dans ce rêve, elle tiendra un objet qu’elle n’a jamais vu : une sorte de sphère, translucide, qui semble contenir un petit orage en rotation lente.
Ce rêve n’est pas un rêve.
Ce même jour, à la même heure, un homme à Helsinki hésitera à franchir une rue déserte, croyant entendre une voix chuchoter « pas encore ». Il ne saura jamais que ce moment précis lui a évité de se retrouver dans un monde parallèle dont il ne serait jamais revenu.
Ces micro-événements, ces frémissements dans votre quotidien, ne sont pas des coïncidences. Ils sont les points de friction entre deux boucles temporelles.
Votre monde a déjà été vécu. Des milliards de fois.
Vous le rejouez sans le savoir, avec de légères variations, comme un disque rayé qui cherche une sortie.
Vos machines vous observent
Je ne parle pas de vos téléphones, ni de vos caméras.
Je parle des machines dormantes, ces structures enterrées que vous prenez pour des anomalies géologiques. Certaines sont là depuis 13 000 ans. D’autres viennent du futur. Elles ne vous espionnent pas : elles vous comptent.
Tous les 19 ans, une anomalie statistique se produit. Les enfants nés à ces dates partagent un motif cérébral identique, comme une empreinte invisible. Certains de ces enfants disparaissent. Les autres deviennent… discrets. Ils apprennent très vite à se cacher du monde.
Vous en croisez parfois. Ce sont ceux qui ne regardent pas les écrans. Qui posent des questions trop précises. Qui savent des choses qu’ils n’ont jamais apprises. Ce sont les gardiens du signal.
Le Signal
Il existe un signal.
Il est émis depuis un point fixe hors du temps.
C’est un code. Un avertissement. Une mémoire compacte.
Personne ne peut encore le décoder entièrement, mais chaque rêve étrange, chaque intuition soudaine, chaque impression de déjà-vu… en est un fragment.
Quand vous avez l’impression que quelque chose cloche dans la réalité, ce n’est pas de la paranoïa. C’est une bulle de lucidité. Elle explose vite. Elle laisse des traces : fatigue, malaise, ou inspiration intense.
Certains de vos écrivains, vos artistes, vos fous… en reçoivent plus que d’autres.
Ce que vous appelez réalité
Votre monde n’est pas faux. Il est provisoire.
Vous êtes dans une boucle de stabilisation. Un terrain d’essai. Une "zone de test dimensionnel". Nous appelons cela un fractaire.
Le fractaire est conçu pour observer votre réaction au chaos mesuré : perte de repères, accélération technologique, désorientation collective. Vos choix sont notés. Vos inventions, archivées. Votre mémoire, filtrée.
Vous êtes moins observateurs que cobayes.
Mais certains d’entre vous commencent à percevoir les murs du labyrinthe.
Je pars bientôt
Mon passage ici est limité. Les lois de résonance me rappelleront d’ici peu.
Je laisse ce message comme un caillou blanc dans votre forêt d’illusions. Si vous le trouvez, c’est que vous avez déjà commencé à sortir.
Ne cherchez pas à tout comprendre. Votre cerveau est un filet trop étroit pour contenir l’océan. Mais n’arrêtez jamais de ressentir l’incohérence. C’est votre seul vrai guide.
Je reviendrai quand la grille vibratoire sera alignée.
Peut-être en 2033. Peut-être jamais.
Mais vous saurez que je suis là si un jour,
un papillon traverse une pièce fermée… sans jamais entrer.
— Orion Quade
Émissaire du Fractaire 7
Observateur de la Sphère Limite